Génération Z : santé mentale et aspirations !

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Nous l’avons compris, le marché de l’emploi est aujourd’hui en pleine transition. L’offre et la demande peinent à se rencontrer et une anxiété est palpable ; plus fragile encore chez les femmes et les jeunes. D’après le rapport concentré sur la zone Afrique de l’ACCA, si les indicateurs de santé mentale des salariés sont légèrement meilleurs que les années précédentes, ils révèlent encore des problématiques : 49 % des répondants reconnaissent que leur état psychologique est affecté par la pression professionnelle. Delphine Raimond

Les résultats de l’enquête Analysis corroborent la tendance et indiquent chez les jeunes générations une autre manière de considérer la place du travail dans leur vie. Leur refus intrinsèque d’organiser celle-ci uniquement autour d’une carrière – comme le faisaient leurs ascendants – témoigne justement de l’émergence d’un modèle différent, portant à reconnaître la coexistence entre vie professionnelle et vie personnelle, avec la volonté croissante d’un équilibre entre les deux.

L’approche psychologique

La coach et psychothérapeute Marie-Hélène Walter, que nous rencontrions en août 2023 pour nous parler longuement de l’approche centrée sur la personne (ACP), était l’une des intervenantes lors de la conférence présentant l’étude d’Analysis. Elle retient avant tout la qualité des enseignements sur la façon de repenser le lien au travail, déclarant : « La manière, dont les résultats ont été présentés a le mérite d’être particulièrement claire et de proposer aux employeurs des pistes concrètes pour mieux, non pas davantage mais mieux, travailler avec leurs collaborateurs. » Ajoutant que pour sa génération, à l’inverse de la précédente, « le travail ne définit plus l’intégralité de la vie ». Ce glissement marque une véritable transformation sociétale du rapport au travail de la génération Z (Gen Z), regroupant les personnes nées entre la fin des années 90 et le début des années 2000. « Il faut les écouter, les accompagner, car ils projettent d’autres valeurs. »

À l’issue de la conférence, un constat unanime : les valeurs des entreprises ne sont justement plus vraiment alignées avec celles des jeunes générations. « Dans mon cabinet, je reçois des personnes en fin de carrière majoritairement des hommes qui, une fois à la retraite, se retrouvent démunis, sans repères, parfois même en dépression, car leur vie entière était organisée autour du travail. La Gen Z, elle, recherche un travail significatif et n’hésite plus à partir, si cela n’est pas au rendez-vous. La compréhension profonde de leurs motivations est une priorité pour les employeurs. Le management doit repenser la culture d’entreprise. »

La santé mentale est une préoccupation mondiale, le décalage entre les aspirations des employés et la réalité de terrain conduit inéluctablement à « un sentiment d’inutilité, de frustration, de désespoir », entraînant démissions, harcèlements, usure chronique, perte de motivation, troubles du sommeil, de l’alimentation et parfois des burn out obligeant les personnes à un repos complet, avec suivi psychiatrique ou psychothérapeutique.

Culture d’entreprise ou culture du silence ?

Selon Marie-Hélène, les entreprises considèrent encore trop peu ce mal-être au travail. L’étude fait ressortir chez les employés un manque de reconnaissance. « Les Mauriciens s’investissent, s’identifient souvent à leur rôle en entreprise, sont fiers de travailler, se sentent légitimes et dignes. Quand cela n’est pas reconnu, ils sont en souffrance. » Elle désigne le management vertical comme étant trop souvent de mise et des employés encore peu consultés, peu encouragés. À l’instar d’autres protagonistes impliqués, elle pense que les entreprises ont le devoir de valoriser les efforts de leurs collaborateurs, au-delà du résultat, parce que ré humaniser les relations professionnelles, c’est retenir les talents.

L’Approche Centrée sur la Personne (ACP)

Carl Rogers a développé la méthode dans les années 60. Pour lui, considérer l’être humain comme une personne unique est la base de tout humanisme. Le salarié, plus qu’une ressource ou un poste, est avant tout une personne ! Se pose la question de la reconnaissance dans l’être, au-delà de la fonction. « Ce génie insistait aussi sur la création d’un climat non menaçant dans le champ relationnel : la culture de l’écoute et la parole vraie sont des leviers transactionnels pour donner du mouvement, contourner les peurs », exprime Marie-Hélène, avant d’expliquer que l’ACP repose sur un concept fondamental : la tendance actualisante. « Pour peu que l’environnement soit suffisamment favorable, la personne tend naturellement à se développer positivement. Chaque salarié, chaque manager a son potentiel vivant. En le soutenant, en l’écoutant, en le reconnaissant dans ses démarches, et pas seulement dans ses résultats, sa tendance à la croissance s’actualise. » Et de conclure : « Un manager formé à l’ACP adopte une posture d’authenticité, d’écoute, de cocréativité. La relation hiérarchique devient plus horizontale, dynamique et évolutive. Les employés participent. Ils subissent moins. »

Les managers et la Gen Z

Aux côtés de StraConsult, organisme spécialisé en recherche, conseils et études socioéconomiques, Eclosia s’est engagée à mieux comprendre la Gen Z, constituant aujourd’hui 31 % de ses effectifs. Une étude – récemment partagée sur son site – a montré que 47 % de cette cible veut innover au travail et 49 % choisit une entreprise pour son environnement. À 35 ans, ces mêmes interrogés se voient occuper un emploi fixe et bien rémunéré, signe d’une recherche de stabilité.

Parce que les employeurs évoquent fréquemment les difficultés à gérer la Gen Z, du recrutement, à la rétention, en passant par l’encadrement ou la communication, le directeur général de StraConsult, Amédée Darga, explique avoir été suffisamment interpellé pour proposer à plusieurs entreprises ladite étude. Ainsi commencée fin 2024 et achevée en mars 2025, elle a démarré avec des entretiens libres auprès de 58 jeunes, pour saisir leur langage, leurs ressentis, leur manière de penser. Puis a été complétée avec une phase quantitative plus structurée : une série de questions posées à 800 jeunes sur leurs valeurs, leur rapport au travail, leur vision de l’entreprise, leur place…

Ce qui se détache tient en un mot : paradoxes. « La Gen Z mauricienne exprime des valeurs très fortes – respect, justice, discipline – auxquelles tout le monde peut s’identifier. Mais ce qui ressort, c’est l’écart entre ce qu’ils veulent et ce qu’ils vivent. Entre ce qu’ils espèrent du monde du travail et ce qu’ils y trouvent en réalité. » Comme Marie-Hélène Walter, Amédée Darga revient sur « le décalage parfois profond, générant des tensions ».

Quant à la déconstruction de certaines idées reçues, il confirme que l’étude en question le permet aisément, précisant que « beaucoup d’adultes, dans les entreprises ou même dans les familles, sont bloqués sur des jugements ». Les comportements de la Gen Z qui dérangent amènent à penser qu’elle est paresseuse et instable, mais le DG encourage à aller au-delà des apparences. Il insiste : « Ce n’est pas parce qu’on ne comprend pas qu’il faut rejeter ! » Ainsi, si chercher à comprendre une génération qui possède sa propre logique, ses codes, ses repères… est parfois une gageure, refuser le dialogue avec elle revient à passer à côté de tout ce qu’elle peut apporter.

Et de conclure : « L’île Maurice et les entreprises ont besoin de tout faire pour garder cette génération et pour lui donner la perspective de contribuer au progrès, avec ses idées novatrices. Dotés, certes, d’une maturité tardive, ces jeunes souhaitent être des citoyens pourvus d’un travail stable, justement rémunéré, et fonder une famille. »

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