En poste depuis huit mois, le natif d’Annecy et ancien sportif de haut niveau a pris une disponibilité de ses fonctions hospitalières en France, afin de mettre sa double-compétence d’oncologue chimiothérapeute et radiothérapeute au service du C-Care Cancer Centre de Floréal. Delphine Raimond
Gênée de le déranger sur son lieu de travail, dans une journée que je suppose chargée, je m’installe dans le bureau d’Alexandre (nous l’appellerons par son prénom, tant l’homme est sympathique) qui affiche tout de go une décontraction et un sourire réconfortants. Titulaire, entre autres, d’un double doctorat en médecine et en pharmacie, le quarantenaire vit entre Maurice et la France, où sont restées ses deux filles de quatorze et vingt-et-un ans et son épouse, médecin urgentiste à l’hôpital d’Annecy.
Curieuse, je lui demande pourquoi l’oncologie ? « Enfant, les séries télévisées médicales me passionnaient. Post BAC, j’ai longtemps hésité avec médecine, mais ai choisi pharmacie, aux côtés de l’un de mes meilleurs amis. Interne, puis pharmacien hospitalier au CHU de Grenoble, je suis passé dans divers services, dont l’oncologie pédiatrique, pour laquelle je me suis pris d’affection. Après huit années de pharmacie, j’ai intégré médecine en seconde année, à vingt-sept ans. » Diplômé en 2013, Alexandre rejoint l’année suivante sa ville natale, pour restructurer et diriger le service hospitalier de radiothérapie, avant d’être nommé chef du pôle cancérologie en 2017 et gérer (à moins de quarante ans) cinquante-cinq praticiens et une centaine d’infirmières. Il participe ensuite à la création de l’Institut de cancérologie de Haute-Savoie, avant d’accepter de collaborer au développement du Centre de radiothérapie de l’océan Indien (CROI) de C-Care Darné, doté d’innovantes technologies.
« Installer une médecine qui tourne autour du patient et le rassure, et pas un patient qui tourne autour des docteurs. »
Démarré en février (avec plus de cent-cinquante nouveaux patients déjà traités), le projet est né d’une collaboration entre C-Care et deux investisseurs de La Réunion, les docteurs Youssef Slama, radiophysicien, et Mickaël Bègue, oncologue radiothérapeute. « Tout ce que l’on fait ici est strictement superposable à ce qu’on ferait en Europe ! »
Surpris par l’aspect concurrentiel de la médecine locale et l’absence des médecins traitants dans le parcours des patients, Alexandre découvre le nomadisme médical : « Les Mauriciens consultent spécialistes et chirurgiens, se déplacent en Inde, en Afrique du sud… alors qu’il est souvent trop tard. Le généraliste a pourtant un rôle primordial dans le dépistage, qui devrait être priorisé. » Attaché au service public français, sa conception du soin est altruiste : « Je peux donner de mon temps, former, expliquer, recevoir les professionnels hospitaliers… » Une philosophie d’ouverture visant à fournir et partager les connaissances qui seront reprises et exploitées : « Le temps des colonies et du monopole est révolu ! »
Humble, humain, Alexandre prône le tutoiement avec les équipes soignantes, supprimant toute barrière ou ego démesuré. S’il a côtoyé les plus grands professeurs, il est sidéré par les compétences universitaires des médecins mauriciens, formés à l’international, figurant les moteurs d’un système dont la limite n’est ni technique ni humaine, mais financière. Tandis qu’il me parle radiothérapie stéréotaxique, techniques d’optimisation du ciblage des tumeurs… je réalise la chance pour l’île de compter ce praticien… passionné.
