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lundi, avril 29, 2024

Les visages de l’esclavage

Ils nous accueillent avant même de franchir le grand portail du Musée intercontinental de l’esclavage : les visages d’anciens captifs vivant à Maurice en 1846, s’alignent sur une affiche monumentale, un peu comme s’ils habitaient ces lieux… 34 photos et 12 animations vidéo restituant le récit de leur capture et déportation constituent le clou de l’exposition de préfiguration du futur Musée intercontinental de l’esclavage, à Port-Louis.
Dominique Bellier

À son inauguration le 1er septembre dernier, ladite exposition pouvait être considérée comme un « work in progress », dans lequel plusieurs éléments de scénographie devaient être revus et améliorés par la suite. Passons directement à la dernière salle de cette petite exposition, où sont présentés des éléments des travaux de l’ethnographe Eugène de Froberville sur d’anciens captifs, déportés à Maurice depuis les actuels Mozambique, Tanzanie, Malawi et Comores.

L’historienne spécialiste des populations makuas, Klara Boyer-Rossol, a ainsi réussi, après cinq années d’étude, de recherche, de diplomatie et d’échanges, à enclencher le processus de restitution de ce trésor humain, dans le pays où ces personnes – pour beaucoup esclavées, pour d’autres considérées comme libérées – ont passé la dernière (et parfois majeure) partie de leur vie, voire même pour certaines fondé famille et connu une descendance… 

Nous sommes au début de cette démarche, puisque pour le moment, seules des photos de 34 bustes en plâtre, conservés au musée du Château de Blois, sont montrées ici. Découvrir ces vrais visages d’anciens captifs amenés à Maurice, avec des expressions singulières, une crispation, un rictus, un plissement des yeux, déclenche une charge émotionnelle fulgurante, comme si ces derniers ancêtres venus d’Afrique orientale s’incarnaient soudain sous nos yeux. 

Eugène de Froberville

Au cours d’un séjour à Maurice, en 1846, Eugène de Froberville a ainsi moulé dans l’argile les visages ou têtes entières de 58 hommes, pour confectionner ces bustes en plâtre. À chaque rencontre, l’ethnographe interrogeait son « informateur » sur ses origines, sa vie dans son pays natal, les conditions de sa capture et de son expédition à Maurice. Parfois, les récits ont été développés sur certaines pratiques guerrières, rituelles, artistiques ou musicales, car l’ethnographe s’intéressait aux langues, aux musiques et à tous les aspects de la culture de ces peuples d’Afrique orientale. 

 Qu’ils s’appellent Zéphirin, Jasmin ou Prosper, tous ont un nom de naissance et le nom qui leur a été attribué à Maurice. Des animations vidéo racontent le parcours de douze d’entre eux. Ainsi, Mahimbou a été capturé vers 1815 dans la région de Zanzibar, puis déporté à Maurice l’année suivante, pour être probablement esclavé sous le nom de Pollux, pendant près de vingt ans. Joao, renommé Dieko du Lily, a été embarqué sur un navire brésilien en tant qu’esclave en 1840, puis « libéré » par le croiseur anglais, le Lily, qui l’a amené à Maurice, où l’esclavage était aboli depuis cinq ans. 

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