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Île Maurice
jeudi, avril 25, 2024

Quand le passé se fait avenir :la Tour Koenig

C’est une histoire singulière et dense que celle de la Tour Koenig. En quelque sorte, elle pourrait incarner à elle seule la construction – singulière et dense elle aussi, par strates successives, de la nation mauricienne à travers le temps… – Jean-Louis Floch

Dix sept mètres de haut, dominant depuis plus de 150 ans la baie de Port-Louis et la côte ouest, la tour fut érigée par Henry Kœnig, entre 1830 et 1840, en hommage à son père Jean-Antoine Kœnig, médecin allemand arrivé à Maurice au 18e siècle. Jean-Antoine était empreint d’une grande nostalgie de sa région d’origine, la Bavière. Riche avocat, Henry, né dans l’île en 1799, était devenu propriétaire de 250 arpents des terres entourant une colline de 22 mètres sur laquelle il décida de construire cette tour aux allures germaniques, rappelant le château du fief familial là-bas en Allemagne, à Miltenberg… à son pied, il édifia également une demeure où son père passa ses vieux jours.

Le monument figure donc à l’origine, d’une certaine manière, le signe imposant de l’acquisition de terres lointaines et libres par les premiers arrivants sur l’île. En cela, il raconte le début de l’histoire de Maurice…

Mais la tour sera l’emblème d’autres circonvolutions historiques du pays et, plus encore, de la région.

Classée “Monument national” en 1958

Quatre générations Koenig se succèderont dans les lieux mais à partir de 1886, le devenir de la propriété devient flou. Au fil du temps, le lieu évolue en espace résidentiel et voit se développer, autour de l’ancienne propriété, un village qui prend lui-même le nom de La Tour Koenig, dans un pragmatisme onomastique typiquement mauricien qui donna des Poudre d’Or, Fond du Sac ou autres Trou d’Eau Douce.

Si le village est à l’image de l’extraordinaire essor économique de l’île et foisonne d’activités, la tour fut classée en 1958 “Monument national”, lui conférant un statut protégé ; le gouvernement mauricien s’engageait donc, par là-même, à lui assigner un destin particulier.

Remarquons par ailleurs que ce même gouvernement, même si l’Indépendance ne sera proclamée que 10 ans plus tard, par ce type de décision reconnaît que la nation mauricienne a une histoire dont il faut conserver la mémoire. L’on voit ainsi qu’à travers des événements en apparence mineurs, une conscience nationale peut, en quelque sorte, précéder son expression la plus ultime et spectaculaire : un État indépendant.

Le Centre Nelson Mandela, un nouvel écrin pour la tour

L’histoire s’accélère, le village s’accroît sous l’impulsion des programmes de logements sociaux de la National Housing development Company, se dote d’un Centre de santé ou accueille, en 1995, un parc informatique géré par Business Parks of Mauritius Ltd…

Le Patrimoine national n’est pas en reste et la tour et son ensemble architectural, gérés par le National Heritage Fund, basculent dans l’ère moderne en devenant en 1986 le Centre culturel africain, lieu géographique international renommé en 1998 “Centre Nelson Mandela pour la culture africaine et créole”, où le mythique président sud-africain posera la première pierre d’un nouveau bâtiment.

Au service de la culture africaine et créole, le centre organise des expositions, des ateliers de réflexion, des conférences, produit des publications, possède une vaste librairie et surtout une ample base de données informatisées qui permet entre autres – l’histoire de l’esclavage étant un thème majeur du centre – aux citoyens créoles de rétablir des liens généalogiques indispensables pour tenter de surmonter le trauma des “esclavés”.

À l’ombre de la tour, Lespas Lar

Nelson Mandela est vivace dans notre souvenir, et pourtant l’histoire avance encore… En 2021, la Tour Koenig, magnifiquement restaurée par des fonds de l’État depuis deux ans, protège dorénavant de son ombre tutélaire une nouvelle institution dans l’enceinte du CNM : Lespas Lar ! Dédié à la promotion de l’art africain et créole, il a pour ambition de promouvoir des artistes locaux et internationaux dans tous les domaines : peinture, chant, musique, danse, expression corporelle…

Cette fusion progressive du passé en avenir n’est-elle pas finalement l’alchimie émancipatrice qui résume au mieux Maurice et son peuple, symbolisée par cette histoire singulière de la Tour Koenig, vestige d’un rêve nostalgique et fer de lance d’un futur où, on l’espère ardemment, les valeurs de l’art et de la création primeront sur toutes les autres ?

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