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mercredi, octobre 9, 2024

Qu’y a-t-il sous le corset des femmes?

Plus de la moitié de la population mauricienne sont des femmes. Elles sont représentées dans toutes les instances de l’île Maurice. Lors des dernières élections en 2014, le gouvernement avait même insisté pour un pourcentage minimum obligatoire des femmes sur les listes électorales. Aujourd’hui, le poste de Chef de l’Etat est occupé par une femme. Néanmoins, les problèmes d’égalité des genres, des droits et du choix de la Femme font toujours autant de débats en 2016. La Femme a-t-elle réellement le choix ? Est-ce qu’elle est émancipée et libérée de son simple statut de génitrice et d’épouse ? Qu’y a-t-il sous le corset des femmes ?

La lutte pour rehausser le statut de la femme est loin d’être acquise, même si nous avons fait des avancées énormes », affirme Aurore Perraud, ministre de l’Egalité des Genres. Selon elle, depuis son arrivée à son ministère en 2014, la souffrance des femmes ne cesse de l’interpeller. « Qu’elle soit grand-mère, maman, épouse, fille… la pauvreté, les fléaux sociaux, une érosion visible des valeurs, les différentes formes de discriminations envers les femmes comme la violence domestique; alors pour moi, nous avons encore du pain sur la planche. » Malgré cela, elle indique être heureuse de voir des femmes dans des postes clés, dans des situations d’épanouissement ou tout simplement heureuses dans leurs choix. Le sont-elles vraiment ?

Qu’y a-t-il sous le corset des femmes?Pour Lindsey Collen, une des porte-paroles du Mouvman Liberasyon Fam, qui milite pour l’émancipation de la femme et contre le patriarcat en général depuis 1976, le constat est plutôt alarmant. « Une grande majorité des femmes n’ont pas le choix à Maurice. Elles sont très affectées par le chômage. Elles n’ont pas le choix non plus pour ce qui concerne leur indépendance. Sachant que les femmes sont moins payées que les hommes, elles n’ont pas accès à des logements en adéquation avec le salaire moyen des femmes. » En effet, dans les années 60, des logements sociaux étaient accessibles pour les personnes sans logement, même les femmes seules. Au début des années 90, le programme a été remplacé par d’autres types de logements, moins accessibles. « Par contre, nous pouvons dire que les femmes ont beaucoup plus de choix en termes d’éducation et des moyens de contraception.  En ce qui concerne l’avortement, malgré un assouplissement idéologique de la loi, les femmes n’ont pas vraiment le choix », poursuit-elle. Ainsi, pour le Mouvman Lebrasyon Fam, la Femme mauricienne n’a pas encore le choix pour les questions essentielles à leur épanouissement.

 

Il faut un programme de revendications et créer une plateforme pour réunir toutes les femmes. Une femme ne peut pas s’émanciper toute seule. Le résultat sera nul !

Qu’y a-t-il sous le corset des femmes?Du côté de Gender Links, le débat est mitigé. D’un côté, on affirme que les femmes ont effectivement plus de choix, mais de l’autre on parle d’une société fonctionnant toujours sur un système patriarcal. « Avoir le choix, est une grande chose. Nous sommes dans un pays démocratique et il faut avoir la volonté de faire évoluer les mentalités. Être femme et être maman, c’est merveilleux. Toutefois, la société pense toujours que les femmes sont inférieures aux hommes. Ce sont les hommes qui prennent les décisions. Toutefois, j’ai également vu des hommes qui croient dans la capacité de la Femme. Souvent, ce sont des femmes qui se mettent, elles-mêmes en position d’infériorité. Il est de même pour les hommes. Nous ne ferons pas évoluer les mentalités en deux jours. Cependant, il faut avoir l’envie de le faire et arrêter de croire que c’est toujours l’homme qui décide », avance Anushka Virahsawmy, Country Manager de Gender Links, une ONG qui favorise l’égalité des sexes et de la justice dans les quinze pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

 

Nous ne ferons pas évoluer les mentalités en deux jours. Cependant, il faut avoir l’envie de le faire et arrêter de croire que c’est toujours l’homme qui décide!

 

L’émancipation : une affaire de femmes

Selon  nos interlocutrices, les femmes ne sont pas encore des personnes autonomes dans la société mauricienne.  Elles font toujours face à de nombreux préjugés, infligés par le patriarcat, qui n’affecte pas que ces dernières, mais aussi les hommes. « Nous sommes très loin d’une réelle émancipation de la femme. Le patriarcat s’est encore plus renforcé. Il  y a une hiérarchie verticale solide qui s’est installée et la différence des pouvoirs entre « très riches » et « très pauvres » s’est agrandie. Ce patriarcat est reflété dans tous les aspects de la société, même dans la communication et la publicité », déclare Lindsey Collen. Dans ce cas, que faut-il faire pour l’émancipation de la femme ? « Il y a une seule chose à faire », répond cette dernière. « Les femmes doivent se rejoindre en un seul mouvement pour revendiquer leurs droits de base ; entre autres, avoir un salaire, un logement décents. Il est impossible pour une femme qui touche 6 000 roupies de payer un loyer de 5 000 roupies ! Il faut un programme de revendications et créer une plateforme pour réunir toutes les femmes. Une femme ne peut pas s’émanciper toute seule. Le résultat sera nul ! »

D’autre part, il y a le problème d’insécurité et de préjugés. « A cause de cette société patriarcale, les femmes ne peuvent pas marcher toute seule la nuit. Cela, même si elle pratique le karaté ! Socialement, c’est une prohibition, car s’il lui arrivait quelque chose de mal, ce sera entièrement de sa faute, selon la société. Pour un homme seul, c’est normal qu’il soit seul. S’il se fait agresser, on ne fera pas les mêmes commentaires. Pour une femme, c’est tout comme elle s’aventurait dans un état de guerre et qu’elle s’aventure dans une zone de danger », déclare le porte-parole du Mouvman Liberasyon Fam.

Pour Aurore Perraud, la ministre de l’Égalité des Genres c’est tout un travail d’éducation qui est à faire. « L’émancipation est beaucoup plus visible certainement, mais la femme subit encore trop de discriminations aujourd’hui, posant de véritables obstacles à son émancipation. Depuis quelques années, la problématique mondiale est recentrée autour du genre, pour rétablir un équilibre entre l’homme et la femme, pour favoriser une meilleure émancipation de la femme. » Cependant, elle reste très optimiste. « Depuis mon arrivée comme ministre, j’ai enclenché une campagne pour rétablir l’équilibre autour d’un slogan simple «egalite zom-fam, nou lobzektif ». La mentalité et les stéréotypes sociaux sont de vieilles racines, très difficiles à éliminer. Nous avons semé les graines pour changer cette mentalité qui étouffe l’émancipation de la femme et j’estime que nous sommes en bonne voie.»

Qu’y a-t-il sous le corset des femmes?

La mentalité et les stéréotypes sociaux sont de vieilles racines, très difficiles à éliminer. Nous avons semé les graines pour changer cette mentalité qui étouffe l’émancipation de la femme et j’estime que nous sommes en bonne voie.

 

La nomination d’une femme à la Présidence,  n’est-il pas un grand signe d’émancipation ?

« C’est un signal très fort que le gouvernement a donné à la population et au monde entier. Faites le tour des continents et dites-moi combien de pays, des plus petits aux plus grands, même parmi les grandes nations, ont offert ce poste aux femmes », demande la ministre de l’Égalité des Genres. Anushka Virahsawmy partage la même opinion. Elle se dit fière de cette avancée pour Maurice et pour l’image que nous renvoyons au niveau international. Cependant, elle indique qu’il faudrait avoir plus de femmes au pouvoir et « ne pas choisir des femmes uniquement parce qu’elles sont des femmes ».

Lindsey Collen trouve que ce n’est qu’une stratégie politique. « On utilise des statistiques pour duper les gens. Si on montre que la moitié du parlement est constitué de femmes, tout va bien», s’indigne-t-elle.

Le ministère pointé du doigt

Auparavant, le ministère de l’Égalité des Genres fonctionnait sous le nom du ministère des Droits de la Femme. Le changement de titre ne fait pas la joie de tous. « Le ministère a perdu sa signification adoptant le terme Gender Equality. Le ministère s’est aplati et ne s’associe plus avec la revendication collective des femmes. Dans le Muvman Liberasyon Fam nous luttons contre le patriarcat, dont 90% des femmes et de nombreux hommes sont victimes. Savoir que l’homme fait également la vaisselle à la maison n’est pas notre revendication. Le fait que l’on attende que l’homme paye pour la femme est contre notre émancipation. Il faut arriver à démontrer que la femme n’est pas dépendante de l’homme. Nous ne revendiquons pas uniquement une égalité hommes-femmes, , mais une égalité dans la société en général. Tout ceci est très politique », s’indigne Lindsey Collen.

A l’opposé, Anushka Virahsawmy trouve que le ministère de l’Egalité des Genres fonctionne toujours comme un ministère des Droits des Femmes. « L’appellation du ministère a, certes, changé, mais tout est mis en place pour favoriser les femmes. Cela, alors qu’on est censé travailler pour tous. » Sollicitée pour une réaction à ces critiques, Aurore Perraud répond que « malheureusement, les statistiques nous démontrent que les femmes ont plus de problèmes que les hommes et nous basons nos actions sur ces réalités. Mon ministère ne refusera jamais d’aider un homme en difficulté. »

Retrouvez Anushka Virahsawmy chez Gender Links

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Mauritius

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http://www.lalitmauritius.org/

 

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