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Île Maurice
jeudi, mars 28, 2024

Comme il y a plus d’un siècle, au Domaine des Aubineaux

A deux minutes de l’agitation curepipienne, subsiste une enclave verte, dépositaire de quiétude, d’esthétisme et d’histoire. Et s’il est volontiers associé à la vieille pierre et à sa table, le Domaine des Aubineaux est plus que cela. Datant de 1872, il incarne la survivance d’un patrimoine inestimable et la mémoire d’un pan de l’histoire mauricienne. 

On y observe une vaste collection de photos tantôt délavées, tantôt aux bordures légèrement jaunies des membres de la famille Guimbeau propriétaire de la demeure, – résultant d’une fusion de deux propriétés, de par l’alliance en 1899, de Maxime Guimbeau et de Valentine de Rouchecouste – mais aussi du vieux Curepipe et de maisons coloniales aujourd’hui disparues. On y découvre aussi du mobilier du XVIIème et de style Empire, d’élégantes tenues et accessoires de tête portées par les dames d’antan, un service à thé sur une desserte comme prêt à être placé sur un plateau pour recevoir les invités… et, élément tout à fait incongru, un lit placé au beau milieu du grand salon. « A ceci une explication, éclaircit David Baissac, directeur commercial et communication de Saint Aubin Loisirs.

«Myriam Guimbeau, la dernière à occuper cette maison et, physiquement sur le déclin, avait souhaité transférer son lit dans le grand salon pour conserver son rôle de maîtresse de maison, et lorsque Les Aubineaux s’est ouvert au public en 1999, nous l’avons laissé là où il se trouvait ».

Une des deux tourelles rajoutées en 1916

Une maison restée vivante

Le visiteur peut ainsi se téléporter jusqu’au XIXème siècle en déambulant de pièce en pièce et, apprécier, ici, la dimension phénoménale de la grande table de la salle à manger en chêne massif et susceptible d’accueillir jusqu’à 30 personnes pour les réceptions, remarquant là un livre de Baudelaire (toujours) posé sur la table de chevet d’une chambre, notant plus loin une fresque néo-renaissance italienne signée d’un artiste inconnu et découverte sous un papier peint retiré pour besoin de rafraîchissement… D’une superficie de 746 m², la maison qui affiche les caractéristiques d’une demeure coloniale de style anglais avec sa varangue en devanture, – à l’opposé, le style français la fait courir tout autour de la maison – sa structure blanche et ses volets peints en bleu a progressivement été « francisée » – comme le rajout des deux tourelles en 1916 -, par ses occupants d’origine française, notamment sous le Major Philippe Guimbeau, fils de Maxime Guimbeau, le dernier à y avoir élu domicile. « Tout ce que voyez est d’origine », précise Davide Baissac. L’ébène, le colophane et le bois provenant de navires échoués en rade de Port Louis pour la structure – remplacés au fur et à mesure par du teck lors de rénovations régulières -, le mobilier en acajou, les carreaux de ciment – au motif unique et extrêmement fragiles – de la varangue, les chiens de garde en bronze placés de part et d’autre de l’escalier extérieur en témoignage de l’amour que portait Philippe Guimbeau à la chasse, font de la résistance aux décennies qui s’écoulent.

Une partie du restaurant a été installée dans la galerie

Première maison à jouir de l’électricité

Première maison mauricienne à être raccordée au réseau électrique en 1889, Curepipe ayant été la première ville de Maurice à être électrifiée, elle recevait volontiers au siècle dernier la Société philarmonique de Curepipe qui y donnait des concerts, « Philippe Guimbeau était un peu philanthrope et féru d’art», relate David Baissac. Conservée en l’état après le décès de son épouse Myriam, la famille l’a ensuite ouverte au public, mue par un objectif, celui de préserver une histoire vivante, soucieuse de transmettre un patrimoine aux générations futures.

« On peut affirmer qu’avec Eurêka et le château Labourdonnais, la maison des Aubineaux est parmi les mieux entretenues de Maurice» précise David Baissac.

Mais ceci implique un coût non négligeable, estimé à plus Rs 1million par an, une manne nécessaire pour rétribuer les trente employés du site et les travaux entrepris pour prémunir ce type de demeure en bois de dangers représentés par les carias, les termites, les cyclones et… le feu. «L’on dit que c’est une maison qui respire et les travaux de rénovation allant d’un point A jusqu’à Z sont constants. Le cycle est à reprendre depuis le début à peu tous les trois ans», poursuit David Baissac.

Splendide arche végétale de l’entrée des Aubineaux

Les visiteurs aident le domaine à résister au temps

Maison classée héritage national par le National Héritage Fund, les vieilles bâtisses ne bénéficient pour autant d’aucun subside de l’Etat pour conserver leur dignité et, ce sont donc, seulement et uniquement les visiteurs qui contribuent à maintenir le domaine en vie. C’est ainsi que les Guimbeau décidèrent de transformer le domaine en musée en 2000, en l’intégrant au circuit de La Route du Thé, du Rhum et de la Vanille créé en 2003.  Faire partie de « L’Association des Vieilles Maisons Françaises » lui permet par ailleurs de se rendre visible à l’extérieur des frontières mauriciennes et… non des moindres, de faire valoir ses racines françaises. Côté jardin, les maisonnettes dans lesquelles ont habité les derniers domestiques, les anciennes écuries, transformées en salle de réunion et en distillerie de camphre et de citronnelle – où sont révélés au visiteur les secrets de la distillation -, un petit pavillon qui servait alors de club house, dressé devant un court de tennis, aujourd’hui remplacé par des arbres, complètent le tableau des composantes d’un ancien domaine colonial. Outre sa demeure, sa Maison des essences et son parc floral, la réputation des Aubineaux tient aussi à sa table créée en 2008. 48 couverts seulement, répartis entre la varangue et la galerie d’hiver sert une cuisine qui présente un mélange d’authenticité mauricienne et de gastronomie française, associée à une jolie cave à vins.

David Baissac, directeur commercial et marketing de Saint Aubin Loisirs

Le « kat kat manioc » comme plat signature

« Philippe Guimbeau était un épicurien et nous sommes allés dans son sens; notre concept de restauration se veut à la fois simple et chic en proposant tant un curry mauricien qu’un plateau de fruits de mer, à des tarifs abordables tournant autour de Rs 450-500 pour un déjeuner », soutient David Baissac.

Comme pour appuyer cette volonté de simplicité, le plat signature du restaurant n’est d’ailleurs autre que le « kat kat manioc», une recette traditionnelle mauricienne, susceptible de tenir au corps comme tous les plats populaires! Mais l’on peut ensuite s’en remettre à un thé Bois Chéri servi en fin de repas ou à une balade, – tous deux à caractère digestif -, dans le parc floral du domaine pour clore cette immersion hors du temps et à seulement deux minutes des nuisances sonores de Curepipe.

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